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A droite, livre d'artiste avec le graveur Serge Marzin (Atelier An Awen), 2016
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PoésPoésie Poésie
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Extraits de quelques recueils de Marie-Josée Christien
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Lascaux

La présence d'un temps sans âge
murmure
en ses tressaillements
Goutte après goutte
me parvient
le grand silence nomade
l'éphémère passage de tant d'éternités.
Dans l'étreinte des origines
de ses secrets murmurés
lorsque tremblent ou se figent
les signes morcelés
un instinct de lumière
nous parvient.
Lascaux & autres sanctuaires
(Jacques André Editeur)
Recueil sur les grottes préhistoriques de Dordogne et des Pyrénées.
Ce livre est à nouveau disponible. Jacques André Editeur en a fait un nouveau tirage en avril 2015.
Mémoire
de la terre embrasée
la pierre suspend
les impatiences
j'attends
que se dépose lentement
une parenthèse de sérénité
où les mots
polissent leur vérité
pierre après pierre.
Eñvor
an douar entanet
ar maen a dorr
an hiraezh
gortoz a ran
ken e teu goustad
ur prantadig seder
ma lemm ar gerioù
o gwirionez
maen goude maen. (Traduction en breton de Claire Sauvaget)
Cendre refroidie
la pierre fermente
les scories du temps
si près de revenir au sable
elle m'adresse
son signal
quelques mots sédimentés
par la vie.
Ludu yenaet
ar maen a laka
kenn an amzer da virviñ
wae-nes traeshaat en-dro
gervel a ra
ac'hanon
un nebet gerioù lec'hidet
gant ar vuhez.
Pierre après pierre /maen goude maen
(Editions Les Chemins bleus)
Recueil en résonance avec les encres de Didier Collobert, en écho à l'érosion et au cycle du minéral.

Le vertige suffocant
du mystère de la vie
bat dans mes veines
Mon corps entier
n'est plus qu'attente.
Je porte la graine
dans mes racines
Je soumets ma substance
à l'ordre
qu'elle instaure
Ces instants de fusion
suscitent la métamorphose.
L'inconnu
qu'il me faudra déchiffer
arrondit en moi
le silence de sa sphère
Cette aube à l'affût
accueille une autre lumière
où conduit
toute naissance.
Le carnet des métamorphoses
(Les éditions sauvages)
Recueil sur la grossesse, la maternité, l'attente de l'enfant, ses métamorphoses physiques et spirituelles.
Autres extraits dans l'anthologie subjective de Guy Allix:
Le vent ne parvient pas
à effacer
le paysage entier
autour de l'arbre
Il se contente
de disperser
quelques cris d'oiseaux.
Le vol vacillant de l'oiseau
les strophes des mésanges
dans le ciel
les cris fiévreux des étourneaux
restent les seules traces
du passage de la bourrasque.
Le vent
est son propre chemin
dans le ciel
Il s'efface
comme les mots
sur l'ardoise.
Conversation de l'arbre et du vent
(Tertium éditions)
Cet ouvrage a figuré sur la liste de référence du Ministère de l'Education Nationale en 2013.
Tout au fond du silence
il y a la mémoire
elle est blanche
tout n'est que signe
un triomphe sur le gel
quand le temps recule
le passage déjà fait
Toute nuit
n'est que l'ombre
d'un dieu perdu.
Les forces du chagrin
ont atteint leur limite
et mon désir glisse sur la ronde
du temps
mon coeur obscur jeté aux crevasses du doute
l'oeil inquiet qui regarde
de temps en temps
par dessus
l'épaule du soir
si rien ne vient
à la rencontre des regards détournés
Tout est tiède dans l'air
tout est froid dans le coeur
c'est un mélange de mort et de lumière
où les pétales sans odeur
claquent contre les murs où somnole la fièvre.
Le froid resserre l'étau
des passions clandestines
dans les lumières tamisées
je dirai le chagrin
qui tissait ma lumière
C'est l'ardeur de vivre
qui dirige
la peur de perdre
de jouer son sort
au moindre bruit
Je n'espère rien du néant
Je n'oublie pas le présent
auquel il me faut tenir tête.
Les arbres frissonnent
sans couleur et sans force
La nuit a mêlé les âges
Miracles de l'air
nous vivrons dans nos mémoires.
Dans le présent
persistent des bribes de passé
et des parcelles d'avenir
Parfois l'instant
se fait éternel.
Un sommeil illusoire
agite et ronge
les efforts fragmentés
d'un temps secret
Tout est posthume
depuis toujours.
Les extraits du temps (Les éditions sauvages)
Prix de la fédération des Bretons de Paris.
Temps morts
Le silence
s'arc-boute
relevant plus loin
l'air possible
tout s'est assourdi
On essaie de s'enraciner
plus loin à l'intérieur.
La flamme s'impatiente
le silence
après toute question
espère et tremble
comme une défaite.
La lumière pèse à peine
ma patience du jour
accompagne l'accomplissement
des saisons
chaque mot levé en moi
peu à peu
m'unit
au froissement de l'invisible.
extraits de Temps morts (Les Editions Sauvages, 2014)
Eloge de la lenteur et des temps immobiles, en suspens, que le langage courant nomme injustement "temps morts".
Sans la nuit
que serait le miracle
de l'aube
l'apparition du jour
derrière les paupières ?
extrait de Quand la nuit voit le jour (Tertium éditions, collection A la cime des mots, 2015)
Poème absent (extraits)
Seul le désespoir est digne de l'amour. Adonis
On n'entend le souffle
que lorsqu'il se retire
dans le vertige bref
du silence qui s'installe
Seul le poème
est digne du désespoir.
*
De l'amour
le passage et la halte
trouble
et troublé
sourdine au fond de moi
à chaque instant
son revers d'angoisse.
*
Je m'absente
à son indifférence
jusquà épuisement
je passe mon chemin
je presse le pas
vers l'oubli
qui ne s'éteint pas.
*
L’infini du ciel
s’exténue
J’attends
une promesse
où m’appuyer
pour rendre
la vie plus proche
Trop de silence
éloigne
son écho.
*
Quand l'épicentre de l'insomnie
répète sans relâche
les exils du coeur
qu'espérer d'autre
que s'effacer du jour
et avancer
dans le silence
d'un visage perdu.
*
Si près du bord
de n'être plus qu'un souvenir
nulle voix
qui me persuade
que j'existe
juste quelques paroles
au loin
murmurées sur le seuil
de l'oubli
si près du bord.
*
L'illusion est belle
vaut-elle la blessure
qui lui suivra?
Etre oubliée
est une autre façon
de mourir.
*
Dans le silence où se tapit
le dernier mot
le dernier pas
de la parole
le mot de la fin
engloutit l'attente
latente
la faim de vie
Mes mots sont tous
d'adieu.
Affolement du sang
(extraits)
A Vaquez l'ami fidèle,
Je voudrais dire la vie
et je dis la douleur
Quelque chose en moi
s'est éteint.
*
Etre en vie
ne console pas
du jamais plus
J'habite la douleur
la mort en attente.
*
La vie incertaine
noue nos illusions
à nos ombres
Tout ce qui fut
n'est que sable
qui fuit
du creux des mains.
*
Je n'ai pas longtemps
pour prolonger
le rêve
goutte à goutte
le sang supplicié
ravive
la fièvre des corbeaux.
*
Chaque fois au bord
de me taire
dans la nausée des heures
le vide ouvert
sous les mots
où tout se pétrifie
il n'y a rien
à attendre
que l'attente.
Vidéo de Guy Allix sur You Tube . Il y lit quelques textes de Marie-Josée Christien, extraits de leur recueil commun
Correspondances (Les Editions Sauvages, collection Dialogue) :
www.youtube.com/watch